Comment préparer son thé ? Conseils pour les sceptiques, non-initiés ou amateurs de thé en sachets

Tea time at Edith's House, Crouch End, London

Tea time at Edith’s House, Crouch End, London

Acheter du thé en vrac et le préparer dans une théière en le laissant infuser le bon temps et en le dégustant tel qu’on le ferait d’un bon vin ou un bon whisky ? « Quel intérêt ? », se demandent souvent les amateurs de sachets. Et pourtant, cela fait une telle différence. Voici, pour les sceptiques et/ou non initiés, quelques explications pour tenter de vous convertir à la deuxième boisson la plus bue au monde (après l’eau) et des conseils pour réussir la parfaite théière ou tasse. 

Tout d’abord, « imaginez un paquet de chips. Sur le dessus se trouvent les chips les plus parfaites qui soient. (…) Mais quand vous arrivez au fond du paquet, il ne vous reste que les brisures et une poignée de poussière de chips. Cette ‘poussière’ », explique Steve Schwartz, fondateur et PDG d’Art of Tea à bonappetit.com, « c’est ce que vous trouvez dans les sachets ». Et donc, de la même façon qu’il y a une énorme différence entre manger les belles chips entières et parfaites et finir les miettes, il y a bien une réelle différence entre boire du thé en vrac ou en sachet.

Alors bien sûr, pour les non initiés, se lancer dans l’achat d’un sachet de thé en vrac et le préparer, peut paraître un peu laborieux. « Tout ça pour une tasse de thé », vous direz-vous, ne comprenant pas vraiment l’intérêt que tous ces buveurs d’eau chaude peuvent y trouver. Normal, quand on s’est habitué au goût insipide des sachets. Le jour où l’on saute le pas et se décide à acheter du thé de qualité en vrac, croyez-moi, on revient difficilement aux fameux sachets. Et souvent, on se convertit également petit à petit au thé nature dont on apprécie désormais toutes les subtilités.

Par exemple, au moment où j’écris cette note, je suis en train de déguster une délicieuse théière de thé oolong Da Hong Pao, infusé dans une eau à 85°C et dont les feuilles infusées reposent dans une coupelle près de la théière, diffusant leur parfum boisé et inspirant ces mots.

Plusieurs fois, dans mon salon de thé, j’ai reçu des clients qui m’avouaient ne pas aimer le thé ou en boire, ou alors en sachets (dont l’horrible sachet de Lipton Yellow). Lorsque je leur ai fait goûter un délicieux Darjeeling, ou bien le Christening tea de Fortnum and Mason (un darjeeling délicat aux notes de muscat et parfumé à la bergamote) ou encore n’importe quel thé, même parfumé, dont nous avions choisi le parfum ensemble, ils ont compris quelle différence il pouvait y avoir entre un sachet de miettes qui trempait une demi-heure dans la tasse et un un autre préparé à base de thé en vrac et infusé le bon nombre de minutes.

Je n’aurai pas l’audace de prétendre les avoir tous convertis au thé, mais la plupart de ces gens sont repartis avec une idée différente de cette boisson. Celle que même si ça n’était toujours pas leur tasse de thé (ain’t I funny?), ils pourraient se faire à se breuvage et l’apprécier à nouveau dans ces conditions.

Alors bien sûr, sur le papier, c’est un poil plus long de préparer un thé « correctement » et cela nécessite un peu de matériel. Mais nul besoin pour se lancer d’acheter directement la bouilloire Serena de Riviera & Bar (celle que j’ai au Tearoom et qui chauffe l’eau par paliers de 5°C et qui coûte 100€). Votre bouilloire habituelle fera amplement l’affaire. N’hésitez pas en revanche à vous procurer en supermarché une boîte de filtres en papier (ils sont rangés dans le même rayon que ceux à café et existent en plusieurs tailles : les tailles S de Cilia sont parfaits pour un mug, les L pour une théière). Cela vous permettra de faire infuser votre thé le bon temps, de retirer le sachet pour ne pas boire un fond de théière trop infusé et même de refaire infuser votre thé si vous le désirez. Pour la suite, voici quelques conseils pour vous aider dans la préparation d’une bonne théière :

1) Faites infuser votre thé le bon nombre de minutes, ni plus, ni moins. 

Pour Schwartz, c’est la chose la plus intimidante à propos du thé. Souvent, au salon, je reçois des clients qui me disent ne pas aimer le thé vert « parce que c’est amer ». Si le thé vert peut en effet avoir une certaine propension à l’amertume, il suffit pour ne pas la ressentir… de ne pas trop infuser son thé et de retirer son sachet après trois minutes maximum. Oui, c’est réellement aussi simple que ça.

Alors les bons temps d’infusion, quels sont-ils ? Bien sûr, il y a des exceptions, mais de façon générale, un pu-erh, un thé noir ou un oolong se font infuser 3 à 5 minutes (plutôt 3-4 min pour certains oolongs) et un thé vert, un thé jaune ou un thé blanc entre 1 et 3 minutes (et plutôt 3 minutes pour la plupart). Pas si compliqué, n’est-ce pas ? Ensuite, le seul secret c’est de retirer le sachet, et vous apprécierez alors une théière parfaite. Toutefois, ne vous mettez pas la pression non plus et ne renoncez pas à votre théière si vous avez laissé le sachet un peu trop longtemps. « Le thé est indulgent », rappelle Schwartz, même si un thé vert infusé un quart d’heure ne le sera pas tant que ça.

Par ailleurs, ne pas faire assez infuser son thé est également une erreur. Beaucoup de gens préfèrent retirer le sachet plus tôt (quitte à mettre plus de thé au départ pour avoir plus de goût) en pensant que leur thé sera moins fort en théine. C’est une erreur. La théine se dégage durant les 30 premières secondes d’infusion environ. Donc même si vous n’infusez un thé noir que deux minutes, vous aurez exactement la même dose de théine que si vous laissez le sachet 5 minutes dans la théière. La seule différence se fera au niveau du palais.

Si vous voulez « déthéiner » votre tasse, il faut donc laisser infuser votre thé 30 secondes, jeter l’eau de cette première infusion, puis réinfuser votre thé le temps normal d’infusion.

2) Faites attention à la quantité de thé que vous utilisez. 

« Une cuiller de thé par personne et une pour la théière. » Levez la main si vous avez souvent entendu cette phrase. Voilà, maintenant tout le monde dans l’open space se demande pourquoi vous levez la main comme à l’école. À part ça, cette histoire de mettre autant de thé dans la théière, c’est n’importe quoi.

Il faut environ 5 grammes de feuilles par demi-litre d’eau lorsque l’on prépare du thé. En fonction du thé que l’on utilise, cette quantité prend plus ou moins de place mais disons que pour un thé noir cela représente environ une cuillerée à café un peu bombée. Si vous mettez 4 cuillerées à café de thé dans une théière d’un litre, vous allez vous retrouver avec un thé extrêmement fort et probablement imbuvable. 5g par demi-litre d’eau, voilà votre nouveau mantra.

3) Utilisez une eau de bonne qualité. 

Comme Steve Schwartz le rappelle, « le thé est composé à 98% d’eau ». Cela ne veut pas dire qu’il faut impérativement acheter de l’eau de source pour préparer votre thé. Mais si votre eau du robinet n’est pas agréable à boire nature, alors elle ne vous donnera pas un bon thé. Si votre eau a besoin d’être filtrée, utilisez de l’eau filtrée pour mettre dans votre bouilloire. Et si vous vous lancez dans la préparation d’un thé d’exception, alors là, oui, vous pouvez faire sauter le bouchon de la Cristalline.

4) Ne chauffez JAMAIS l’eau de votre thé au micro-ondes. 

Sauf si vous préparez un sachet de Lipton Yellow pour votre pire ennemi. Vous ne le feriez pas avec le café, alors qu’est-ce qui vous fait penser que ce serait une bonne idée pour faire infuser de délicates feuilles de thé ?

Si pour vous, le thé, c’est un sachet placé dans la tasse avec de l’eau et le tout mis au micro-ondes pendant trois minutes, alors ce n’est pas très étonnant que vous trouviez que le thé est une boisson insipide, voire dégoûtante. Parce que les ondes sont bien trop violentes pour les délicates feuilles de thé, qui ont besoin d’être chauffées petit à petit, d’où l’intérêt de faire chauffer l’eau à part et de la verser doucement sur le sachet (et pas directement dans la théière avant de plonger le sachet dedans, comme cela est souvent fait dans les cafés).

5) N’ajoutez pas trop d’ingrédients. 

Une autre erreur commune est d’ajouter trop de choses dans son thé : lait, sucre ET citron, c’est bien trop. À ce stade, vous ne pouvez même plus vraiment dire que vous buvez du thé. Pour Steve Schwartz, la raison pour laquelle on a l’habitude d’ajouter du citron ou du lait dans son thé, c’est qu’on a besoin de « corriger le déséquilibre des saveurs présent dans les miettes de thé d’un sachet. »

Un besoin qui ne se fait donc pas (ou moins sentir) avec un bon thé en vrac. Choisissez le vrac et donnez-lui une chance nature, avant de mettre automatiquement du sucre dedans. Vous trouverez parfois que vous n’avez pas besoin de cet ajout après tout. Certains thés sont même naturellement si doux qu’on les croirait sucrés. Cela m’est arrivé dernièrement avec le Mad Hatter tea. Si vous aimez d’habitude boire votre thé sucré, il en existe qui, natures, vous feront oublier cette habitude.

6) Ne jetez pas le sachet après la première infusion

Il y a plusieurs façons de préparer du thé en vrac dans une théière (je laisse volontairement de côté les préparations en zhong ou gaïwan, pour les buveurs de thés plus confirmés qui s’attaquent à des thés d’exception).

La première est de mettre le thé directement dans la théière après l’avoir réchauffée avec un peu d’eau bouillante, et de verser l’eau directement sur les feuilles de thé, puis de servir le thé après avoir attendu quelques minutes. Cette méthode est parfaite si vous êtes plusieurs à profiter de la théière, car le thé ne restera pas au fond à infuser pendant que vous buvez les premières tasses.

La deuxième est de se procurer les fameux filtres à thé dont je vous ai parlé plus haut, de placer votre thé dans un sachet et le sachet dans la théière, de verser l’eau dessus, de laisser infuser et de retirer le sachet avant de déguster votre thé tranquillement.

Quoi qu’il en soit, ne jetez pas le thé après la première infusion ! La plupart des thés supportent plusieurs infusions, deux au minimum, mais certains peuvent être infusés trois fois en théière. Les arômes délivrés lors de la deuxième infusion sont souvent différents de ceux de la première infusion et bien des thés gagnent à être connus de cette façon. Bien sûr, cela est plus vrai pour les thés natures que pour les thés parfumés, même si ces derniers peuvent également être infusés une deuxième fois. Il suffit simplement d’être bien attentif au premier temps d’infusion (éviter de dépasser les quatre minutes pour un thé noir parfumé, par exemple, plutôt que d’aller à cinq). Pour éviter toute confusion, je rappelle que je parle ici de thé : les rooibos et infusions ne sont donc pas concernés.

Si vous êtes arrivés au bout de cette note, je vous félicite et vous remercie de votre patience. J’espère que j’ai pu vous convaincre de tenter l’expérience du thé en vrac, car lorsque l’on tombe dedans, on en ressort rarement. Au contraire, on se laisse happer par la découverte de toutes les sortes de thés, et par tout ce que cette merveilleuse boisson a à offrir. N’hésitez pas à me laisser vos éventuelles questions dans les commentaires, je ne manquerai pas de vous répondre !