Quand l’abus de thé pouvait nous mener tout droit… à l’asile

Reasons for admission at the Aberdeen Lunatic Asylum in the 1840s - ©Facebook/NHSGrampian Archives

Reasons for admission at the Aberdeen Lunatic Asylum in the 1840s – ©Facebook/NHSGrampian Archives

Quand on était une femme au XIXe siècle, il était assez facile de se retrouver internée. Mais de là à imaginer qu’on pouvait vous envoyer à l’asile pour un abus de thé… Et pourtant, ça s’est déjà vu (bon, OK, en Écosse). 

Vous abusez du thé ? Hop, direct à l’asile (surtout si vous êtes une femme et que vous vivez au XIXe siècle en Écosse) ! C’est ce que rapporte un article de Mental Floss, qui se base sur des documents découverts par les NHS Grampian Archives (les archives de la Sécurité sociale écossaises, ndlr). Sur un de ces documents, qui couvre la région des Monts Grampians en Écosse, on peut lire les raisons qui ont mené les patients de l’Aberdeen Lunatic Asylum (littéralement l’asile de lunatiques d’Aberdeen, joyeux programme…) à se faire interner dans les années 1840. Ces tableaux divisent les personnes admises selon leur sexe et la raison de leur admission. Et, surprise, entre les raisons plutôt « valables » (pour l’époque, hein !) comme les « prédispositions héréditaires », « l’imbécillité d’origine », ou encore le « grand âge », et d’autres un peu plus farfelues (« empoisonnement aux légumes »*, « fièvre », « cancer du sein », « allaitement prolongé », « accouchement », ou encore « blessure à la tête »), on retrouve d’autres catégories tellement incroyables pour nous qu’on croirait à un fake : « Excitation religieuse », « Déception amoureuse »**, « Un affront » ou bien… « Vie sédentaire, abus de thé ».

Et pourtant, ce n’est pas une blague. Une personne, une femme, s’est bien fait interner pour avoir abusé du thé en 1848 en Écosse. Et, sur la page Facebook des NHS Grampian Archives, on peut lire qu’une autre personne avait déjà été admise pour la même raison deux ans plus tôt. Le 16 novembre 1848, c’est « Elizabeth Collie, une ancienne ouvrière âgée de 34 de Woodside », qui a été admise à l’Aberdeen Lunatic Asylum. « Ses notes expliquent qu’elle avait souffert de désillusions, et était devenue plus réservée et suspicieuse que d’habitude. On y lit qu’elle ‘imagine qu’une espèce de machinerie a été employée par les voisins dans la maison où elle vivait, ce qui avait pour effet de causer des douleurs et des désordres dans la tête, les intestins et d’autres parties du corps.’ Cependant, ces documents montrent également ‘qu’aucune cause ne peut être assignée [à ces troubles], à part peut-être l’usage excessif de thé, auquel elle avait toujours été accro.’ » Apparemment guérie, Elizabeth a pu sortir de l’hôpital le 1er juin 1849.

Mental Floss rapporte qu’une lettre des éditeurs du British Medical Journal écrite en 1886 suggère que l’abus de thé chez les femmes ne posait pas de problèmes qu’à l’asile de lunatiques d’Aberdeen. Un docteur, J. Muir Howie, qui fut président régional de la Royal Medical Society of Edinburg avait en effet écrit : « M’autoriserez-vous à attirer votre attention sur le fait que, parmi les femmes du moins, l’abus de thé mène souvent à l’abus d’alcool ! C’est mon expérience dans un établissement pour femmes alcooliques qui m’a mené à cette conclusion. Beaucoup des patientes, presque toutes en fait, buvaient énormément de thé avant de devenir victimes de l’alcoolisme. Quand elles assouvissaient leur besoin d’alcool, elles buvaient rarement du thé ; mais, dès qu’elles arrêtaient le premier, elles retournaient au second. Dans bien des cas, l’alcool était utilisé en premier lieu pour soulager les symptômes nerveux produits par une consommation excessive de thé. » Si je résume, boire du thé rend alcoolique, mais parce que l’alcool est un médicament. La vraie drogue dans l’histoire, le Mal, le vrai, c’est le thé. Moi qui ai toujours rêvé de vivre à l’époque victorienne, il semblerait que je doive finalement me réjouir d’être née au XXe siècle. Avec mes deux litres de thé par jour (minimum) et mon amour du Champagne, nul doute qu’au lieu d’écrire cet article je serais déjà enfermée et privée de mes deux boissons préférées !

 

* Quand je vous dis que les légumes, c’est dangereux ! Et encore, ne me lancez pas sur la salade !

** Ou comment se débarrasser de la nana qu’on a mis des mois à séduire en pensant qu’elle laverait nos chaussettes alors que tout ce qu’elle veut c’est assister peinarde à ses cours d’aqua-poney